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Epidémie de variole dite « du singe » ou monkey pox : place des enfants et préconisations actuelles du GPIP et de la SFP

Epidémie de variole dite « du singe » ou monkey pox : place des enfants et préconisations actuelles du GPIP et de la SFP

La place des enfants dans l’épidémie actuelle de variole dite « du singe » ou monkey pox est pour l’instant très marginale, alors que le nombre de cas chez l’adulte dépasse maintenant plusieurs milliers en Europe et aux États-Unis. Il n’existe pas, faute de cas, de données spécifiquement pédiatriques liées à cette épidémie.

Face à cette épidémie de monkey pox, les pédiatres se veulent rassurants vis-à-vis du risque pour les enfants :

  • Risque très faible d’avoir la maladie et de la transmettre, forte probabilité de diagnostic différentiel bénin devant une éruption vésiculeuse. Les pédiatres restent en même temps vigilants car de nombreuses inconnues persistent.
  • L’évaluation d’une éruption cutanée douteuse chez un enfant doit être effectuée avec les infectiologues et pédiatres des établissements de santé de référence (ESR), par le biais d’un appel au centre 15. La vaccination des enfants cas contact reste exceptionnelle.

1/ Connaissances actuelles

On ne peut extrapoler le risque chez les enfants infectés qu’à partir des connaissances issues d’autres contextes : épidémies « autochtones » en Afrique, cas importés, cas groupés en lien avec l’importation d’animaux infectés. Le contexte de l’épidémie actuelle est cependant très différent de celui de ces études, en ce qui concerne le mode de transmission (principalement lors de rapports intimes entre homosexuels masculins) et les modalités d’accès aux soins (différentes dans les pays occidentaux). Le tableau clinique chez l’adulte actuellement infecté n’est pas stéréotypé : atteinte principalement ano-génitale ou concernant la cavité buccale, nombre et aspects des lésions cutanées variable, lésions parfois d’âge différent. Rien ne dit que les enfants infectés feraient les mêmes types de lésions. La gravité plus importante chez l’enfant mentionnée dans plusieurs études africaines n’est pas toujours liée à l’effet direct du virus, semble principalement liée à des surinfections cutanées ou des lymphadénites et n’est pas certaine au cours de l’épidémie actuelle : les adultes présentent en effet très peu de formes graves et aucun décès n’est rapporté jusqu’à présent.

Pour l’instant, l’immense majorité des patients touchés sont des hommes homo ou bi-sexuels ayant des partenaires multiples. Cela n’implique pas que la maladie soit transmise lors des rapports sexuels, mais suggère que des contacts rapprochés cutanés et/ou muqueux soient le principal mode de contagion. On sait que le monkey pox est excrété dans les sécrétions respiratoires, mais ce mode de transmission ne semble pas préférentiel. Des transmissions intrafamiliales à des enfants ont néanmoins été rarement rapportées (en Angleterre notamment). Le risque de cas pédiatrique peut donc être considéré actuellement comme extrêmement faible mais non nul. Il nécessite donc une vigilance des pédiatres et des médecins s’occupant d’enfants qui peuvent toutefois être très rassurants vis-à-vis de l’inquiétude des familles.

En fait, la principale difficulté chez l’enfant est liée à une fréquence et variété beaucoup plus importantes de diagnostics différentiels. Les éruptions cutanées fébriles sont fréquentes, évoluent volontiers sous forme de petites épidémies dans les collectivités d’enfants, y compris en période estivale (crèche, centre aérés, colonies de vacances...). La varicelle sévit en France sur le mode endémo-épidémique avec une recrudescence en fin d’hiver et au printemps, et les épidémies de syndromes pied-main-bouche, dus à des virus coxsackies (famille des entérovirus), sont très fréquentes l’été, comme c’est le cas en ce moment. Ces éruptions peuvent en outre être atypiques dans leur localisation, ou dans leur présentation. D’autres infections banales (prurigo, certaines formes d’impétigo...) voire même de simples piqures d’insectes +/- surinfectées sont également susceptibles d’engendrer des questionnements diagnostiques.

Le diagnostic microbiologique de monkeypox repose sur une PCR spécifique pratiquée sur les lésions cutanées évocatrices. En pédiatrie, au vu risque extrêmement faible et des nombreux autres diagnostics, il n’est pas raisonnable de proposer de prélever tous les enfants suspects. Il est donc nécessaire d’affiner au mieux les indications de prélèvement et le critère le plus pertinent est probablement le risque d’exposition au virus.

2/ Préconisations du GPIP et de la SFP

Le GPIP et la SFP proposent, pour les enfants, d’ajouter aux critères cliniques proposés par Santé Publique France dans sa définition de cas suspect :

  • La notion, au cours des 15 jours précédant le début des symptômes de l’enfant, d’un contact étroit (contacts cutanés répétés, surtout en cas de lésions des mains du cas index, et/ou bises ou baisers en cas de lésion de la muqueuse buccale chez le cas index) ou prolongé (au moins une nuit sous le même toit) avec un adulte présentant une infection monkey pox documentée ou très probable.
  • L’absence d’argument clinique ou d’interrogatoire (antécédents ou contage) pour une autre cause, notamment la varicelle.

La survenue de cas groupés d’éruptions vésiculeuses chez des enfants, dans une collectivité ou dans une famille, est aussi un élément très rassurant. Il est en effet très improbable que des enfants aient été exposés simultanément et de façon suffisamment étroite à un adulte atteint de monkey pox, alors que la transmission entre enfants des autres virus en cause dans les différents diagnostics différentiels est très fréquente (du fait de leur mode de transmission respiratoire, par la salive ou les mains souillées).

Dans certaines situations « douteuses » sans élément de gravité, notamment si le prélèvement est difficile à organiser rapidement, l’observation clinique d’un enfant isolé à domicile peut s’avérer utile car l’éruption du monkey pox semble avoir une évolution assez prolongée (14 à 28 jours) alors que certaines autres éruptions de l’enfant (mais pas toutes...) s’améliorent assez rapidement.

Comme pour les adultes, les enfants suspects ne doivent pas être adressés directement aux urgences hospitalières, sauf bien entendu si urgence vitale immédiate. L’évaluation du cas doit être faite au téléphone via le centre 15, qui prendra contact avec les infectiologues adultes et pédiatriques de l’ESR régional afin de déterminer la conduite la plus appropriée. Si l’indication d’un prélèvement est posée par les médecins référents, l’enfant sera adressé dans la structure la mieux à même de faire l’expertise clinique, le prélèvement en toute sécurité, et disposant de la technique de biologie moléculaire ; il s’agit le plus souvent du service d’infectiologie adulte de l’ESR correspondant. L’expertise des pédiatres étant nécessaire pour l’évaluation de la gravité, une étroite collaboration entre infectiologues adultes et pédiatres autour d’éventuels cas pédiatriques est essentielle.

Lorsqu’un cas est identifié chez un adulte, il convient bien entendu de l’isoler le plus possible de ses enfants. Si le cas index est la mère, l’allaitement maternel est a priori contre- indiqué (la contagiosité du lait n’est pas connue et les contacts cutanés doivent être évités). La nature du risque doit être expliquée aux parents sans le minimiser ni l’exagérer outre mesure car il demeure a priori faible (plusieurs cas d’exposition familiale d’enfants au cours de l’épidémie actuelle n’ayant pas donné lieu à des cas secondaires). Il n’est pas nécessaire d’isoler les enfants contacts s’ils sont asymptomatiques, mais une surveillance régulière de la fièvre et de l’état cutané doit être réalisée par la famille pendant les 15 jours suivant le dernier contact avec le cas index. La réalisation d’un prélèvement «de dépistage » chez un enfant contact n’est pas utile. Un rappel téléphonique régulier par un pédiatre référent peut être proposé afin de rassurer les parents, d’éviter des consultations itératives et non prévues aux urgences ou en cabinet, et de proposer la meilleure conduite en cas de signes (orientation vers ESR).

3/ Recommandations de la HAS

La HAS, le 20 mai 2022, a recommandé la mise en œuvre d’une stratégie vaccinale réactive en post-exposition avec le vaccin Imvanex®, de 3ème génération, administré idéalement dans les 4 jours après le contact à risque et au maximum 14 jours plus tard : 2 doses espacées de 28 jours, pour les personnes adultes à risque élevé.

Bien qu’il n’existe aucune étude pédiatrique prospective et que la maladie, au cours de cette épidémie, apparaisse comme relativement bénigne par rapport à ce qui était connu, la HAS propose « que la vaccination réactive des enfants contacts à risque puisse être envisagée afin de protéger les enfants exposés et possiblement plus susceptibles de développer des formes sévères de la maladie, en particulier les plus fragiles et les immunodéprimés ». Toutefois, en l'absence de donnée clinique de sécurité des vaccins de 3ème génération en population pédiatrique (des données de sécurité indirectes, rassurantes, étant néanmoins disponibles), la HAS recommande que « la vaccination des mineurs ne soit envisagée qu’au cas par cas, par les seuls spécialistes et après une évaluation stricte des bénéfices et des risques pour le mineur concerné, dans le cadre d’une décision médicale partagée, et avec le consentement des parents (ou du responsable légal de l’enfant) quand il est requis, et de l’adolescent le cas échéant ». La vaccination d’un enfant ne sera donc envisagée qu’en cas d’exposition forte, associée à un risque avéré d’infection grave, notamment en cas d’immunosuppression. Ces préconisations sont susceptibles d’évoluer au fur et à mesure de l’évolution de l’épidémie et des connaissances.

Pour le Groupe de Pathologie Infectieuse Pédiatrique (GPIP) et la Société Française de Pédiatrie (SFP) : Pr Yves Gillet, Pr Robert Cohen, Pr Christèle Gras Le Guen, Pr Philippe Minodier

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