Bulletin N°6 - Juin 2025

Bulletin N°6 - Juin 2025

L’actualité vaccinale étant particulièrement chargée, le bulletin comportera 2 pages.

Du côté des autorités.

Le dernier message DGS-Urgent relatif à la prévention des infections à VRS pour la prochaine saison est, à bien des égards, déconcertant. Il recommande que la campagne de prévention débute le 1er septembre pour la vaccination des femmes enceintes (Abrysvo®) comme pour l'administration de l’anticorps monoclonal Beyfortus®, en contradiction avec les avis de la CTV et de plusieurs sociétés savantes qui avaient proposé que la campagne de vaccination maternelle commence deux mois plus tôt, afin de garantir une couverture optimale des nouveau-nés. Rappelons que la vaccination doit être effectuée entre la 32e et la 36e semaine d’aménorrhée, et que la durée moyenne de grossesse est de 40 semaines. Pour assurer une protection efficace des nouveau-nés pendant le pic épidémique attendu entre le 1er novembre et le 1er janvier, les mères doivent être vaccinées au moins un mois avant l’accouchement pdf (Lien 1)(235 KB) . Retarder la campagne à septembre expose donc à une fenêtre de vulnérabilité évitable, en particulier pour les nourrissons nés en octobre ou en tout début de novembre. Dans un contexte de fortes tensions budgétaires sur le système de santé, cette décision apparemment justifiée par un souci de « simplicité », risque d’aboutir à une perte d’efficacité (en limitant l’impact réel de la stratégie vaccinale) et à des dépenses injustifiées.

Pour votre information.

Le Congrès de l’ESPID, principal rendez-vous en vaccinologie pédiatrique, s’est tenu à Bucarest du 26 au 30 mai 2025. De nombreuses études ont été présentées concernant différents vaccins. Les équipes françaises ont été particulièrement présentes sur les infections à VRS et à pneumocoques.

  • Bronchiolite : durant la saison 2024–2025, c’est le type B qui a majoritairement circulé en France alors que le VRS de type A était dominant l’année précédente. L’efficacité en vie réelle du nirsévimab a été confirmée, tant sur les hospitalisations, 85% (IC95% = 80–88 %), que sur les passages aux urgences, 83% (IC95% = 68–91%).
  • Une étude argentine a confirmé l’efficacité en vie réelle de l’Abrysvo® pendant les six premiers mois de vie pour la prévention des infections respiratoires dues au VRS hospitalisées (66,1%, IC95% = 33,1–83,3).
  • Depuis l’implémentation du nirsévimab, une réduction significative de la fréquence des otites a été rapportée pour la 1ère fois, et c’est une étude française : −48% chez les < 6 mois, −20% entre 6 mois et 1 an.
  • Une analyse des sérotypes responsables des infections invasives à pneumocoques (IIP) en France montre que le Prevenar 20® est, de loin, le vaccin commercialisé en pédiatrie offrant la meilleure couverture. De plus, la proportion d’IIP est comparable chez les enfants sans pathologie sous-jacente et ceux présentant une comorbidité connue. Cependant, parmi les 7 sérotypes supplémentaires du vaccin 20-valent, la distribution est très différente entre les deux groupes.
  • Une autre étude française réalisée à partir des données du SNDS, du CNR des pneumocoques et d’une étude de portage a montré que les IIP étaient plus fréquentes pendant la période de circulation du VRS. Par ailleurs, les sérotypes les plus souvent impliqués durant cette période étaient ceux considérés comme théoriquement les moins pathogènes, soulignant les interactions entre VRS et pneumocoques.

Du côté des produits

  • Le Capvaxive® (MSD), vaccin conjugué 21-valent contre le pneumocoque destiné à l’adulte, a obtenu l’AMM européenne. Sa composition sérotypique est très différentes des VPC précédents : 8 sérotypes non inclus dans Prevenar 20®, et 7 exclus. Il devrait prochainement faire l’objet d’une recommandation pour les > 65 ans ainsi que pour les patients présentant des facteurs de risque, au même titre que le Prevenar 20®.
  • Un nouvel anticorps monoclonal contre le VRS, le clesrovimab (Enflonsia®), destiné aux nouveau-nés et nourrissons, a également obtenu une AMM. Il devrait être disponible en France d’ici quelques mois. Comme le nirsévimab, il cible la protéine F, mais agit sur un site antigénique distinct.
  • En raison du démarrage rapide de la vaccination contre le zona, des tensions d’approvisionnement (probablement de courte durée) sont signalées pour le Shingrix®.
  • Pour la saison 2025–2026, la HAS recommande l’utilisation préférentielle de l’Efluelda® (fortement dosé) ou du Fluad® (vaccin adjuvé avec le MF59) comme vaccins antigrippaux pour les sujets > 65 ans, en raison de leur plus grande efficacité. La Commission de Transparence leur a accordé une ASMR 4 devant permettre une mise à disposition de ces 2 vaccins.
  • La situation des vaccins contre le chikungunya est complexe. Un premier vaccin vivant atténué, Ixchiq® (Valneva), avait obtenu une AMM il y a quelques mois, puis a été recommandé chez les >65 ans (population à risque de formes graves) en raison de l’intensité de l’épidémie à La Réunion. En raison de la survenue de plusieurs effets indésirables graves, le FDA et les CDCs ont recommandé une pause dans l’utilisation de la vaccination chez les > 60 ans et les autorités françaises ont retiré les > 65 ans des cibles de la campagne de vaccination en France, notamment à la Réunion et à Mayotte. Un autre vaccin, le Vimkunya® (Bavarian Nordic), a été mis sur le marché sans remboursement (prix > 165 €), sans recommandation. Composé de pseudo-particules virales (comme les vaccins HPV), il est inerte et pourrait être mieux toléré chez le sujet âgé.

En réponse à vos questions.

Peut-on administrer plusieurs fois dans la vie le vaccin injectable actuellement disponible contre la typhoïde ? La réponse est OUI, mais c’est une question pertinente, d’autant plus que la prévention de la fièvre typhoïde retrouve de l’intérêt dans un contexte d’augmentation de la résistance de Salmonella typhi aux antibiotiques (quinolones, C3G, azithromycine). Le vaccin injectable actuellement disponible (Typhim Vi) est un polysaccharidique non conjugué, d’efficacité modeste (≈60 %), peu durable (quelques années), sans effet booster, avec une hypothèse théorique d’hyporéactivité (comme pour les vaccins pneumococciques et méningococciques polysaccharidiques) lors de la répétition des injections. Toutefois, les études à ce jour ne montrent pas de baisse significative de la réponse immunitaire lors de rappels espacés. Les réinjections à 3 ans induisent une réponse anamnésique modeste mais présente, sans tolérance immunologique apparente (Kossaczka et al., Vaccine 1999 ; WHO Position Paper 2018). Un vaccin vivant oral (Vivotif®) est disponible en France pour les patients âgés de plus de 5 ans. Il n’expose pas au risque d’hyporéactivité mais est contre-indiqué chez les immunodéprimés. Son efficacité est comparable au vaccin injectable. Il s’administre en trois prises (J1, J3, J5), pour un coût total de 30 à 45 €. L’avenir pourrait venir des vaccins conjugués plus efficaces (> 80%), largement utilisés en Inde et au Pakistan.

La vaccination des nourrissons par le Prevenar 20® est-elle autorisée ? Oui, une AMM européenne est délivrée dans un schéma en 3 + 1, donc pas d’obstacle médico-légal. Il n’est pas encore recommandé en France et n’est donc pas remboursé. C’est pourtant le vaccin le plus adapté actuellement pour les infections invasives du nourrisson. Si le vaccin a été prescrit par un autre médecin (comme dans votre cas) ou délivré par une pharmacie, il est parfaitement légitime d’en faire bénéficier votre jeune patient. La non-recommandation chez l’enfant (et donc le non-remboursement) depuis maintenant plus d’un an, notamment pour les sujets à risque dont les drépanocytaires, pose un problème éthique et n’est pas compréhensible. En effet, ces patients doivent être vaccinés quel que soit le vaccin pneumococcique conjugué selon un schéma 3+1 correspondant à l’AMM Européenne du VPC 20. Des infections graves dues à des sérotypes contenus dans le 20 et non dans le 13 ou le 15 sont survenus depuis l’AMM du VPC 20 dans cette population alors que nous disposons d’un moyen de prévention efficace.

La mère d’un patient de 2 mois, allaité, a été sous traitement anti-TNF durant la grossesse et après la naissance. Peut-il recevoir des vaccins contre les rotavirus (vaccins vivants atténués) ? Oui. La vaccination contre les rotavirus est sûr chez les nourrissons de mères ayant reçu ce type de traitement pendant leur grossesse ou pendant l’allaitement. L’utilisation des anti-TNF pendant la grossesse ou l’allaitement avait été considérée par précaution comme une contre-indication à la vaccination rotavirus. Cependant une étude canadienne (dont 85% des nourrissons étaient allaités) montre que ceci n’est pas justifié. Attention ce n’est pas le cas pour le BCG !!!

Robert Cohen, François Vie le Sage, Joël Gaudelus, Franck Thollot, Pierre Bakhache, Pierre Bégué, Marie-Aliette Dommergues, Véronique Dufour, Hervé Haas, Isabelle Hau, Cécile Janssen, Maeva Lefebvre, Didier Pinquier, Anne-Sophie Romain, Georges Thiebault, Catherine Weil-Olivier, Odile Launay.

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