Bulletin n°1 Janvier 2022

4 boîtes aux lettres à journaux, anciennes en ferraille

L’actualité COVID est tellement dense que ce bulletin comporte pour une fois 3 pages (dans sa version pdf).

Pour votre information

La vaccination des enfants âgés de 5 à 11 ans « à risque » de formes sévères de COVID a commencé. Pour l’ouverture de la vaccination aux enfants du même âge « sans facteurs de risque », la HAS, Le Conseil d’Orientation de la Stratégie vaccinale et le Comité Consultatif National d’Éthique ont donné un avis favorable. Les premières données de pharmacovigilance américaines sont très rassurantes, même après la 2ème dose : incidence inférieure à 1/200.000 pour les myocardites et/ou péricardites quel que soit le sexe. Les 3 instances reprennent l’ensemble des idées développées par InfoVac :

  • La vaccination des enfants a pour intérêt essentiel le bénéfice individuel et non pas collectif, qui est « aléatoire » avec l’évolution des variants.
  • Il faut commencer à vacciner dès maintenant les enfants à risque et les enfants dont les familles le souhaitent (craintes particulières, voyages, conviction…).
  • Elle ne doit pas être imposée mais expliquée et proposée aux parents/enfants.
  • Une contrainte de type « obligation vaccinale» ou un « passe vaccinal» ne sont pas acceptables.
  • Une sérologie (TROD) doit systématiquement être réalisée en même temps que la première dose aux enfants sans antécédent de COVID.
  • Les enfants ayant un antécédent d’infection à SARS-CoV-2 (PCR, Antigène ou sérologie) ainsi que ceux dont la sérologie est positive lors de l’administration de la première dose, ne doivent pas recevoir une deuxième injection – inutile.
  • La mise en place de la vaccination au collège pour les enfants âgés de 10-11 ans : cela est cohérent avec la vaccination des 5ème, 4ème, 3ème en cours.
  • Proposer la vaccination à tous les enfants en primaire dès que seront mis en place des circuits de vaccination adaptés et supervisés par des professionnels ayant l’habitude de vacciner les enfants (pédiatres, généralistes, PMI, infirmières) pour permettre la vaccination de masse.

Les sociétés savantes de pédiatrie ont publié des communiqués à l’intention des professionnels de santé et des familles pour expliquer au mieux les enjeux de cette vaccination.

Le variant Omicron change les paradigmes de la pandémie. En l’état actuel des connaissances, ses caractéristiques par rapport au variant ∂ sont :

  • une contagiosité accrue, avec un R0 ≥ 10 (proche du R0 de la rougeole) avec un intervalle intergénérationnel très court : le temps de doublement de l’épidémie n’a jamais été aussi rapide (2 à 3 jours), expliquant qu’il soit devenu prédominant en quelques semaines. Cette très forte transmissibilité passe probablement par une transmission « air » encore plus efficace. Ceci impose, si l’on veut freiner cette vague, des mesures (d’hygiène et de testing) complémentaires et synergiques.
  • une plus grande résistance à l’immunité post infectieuse ou post vaccinale
  • une sévérité plus faible (expliquée en partie par la fraction de la population déjà immunisée par la vaccination ou la maladie mais aussi potentiellement sa moindre capacité à infecter le tractus respiratoire bas). En Afrique du Sud, la déferlante Omicron a été de courte durée et a entrainé beaucoup moins d’hospitalisations et de décès que les vagues précédentes. Néanmoins, la situation n’est pas extrapolable à l’hémisphère nord (été austral, ratio vaccinés/infectés très différent, population plus jeune…). Les premières données du Royaume Uni sont aussi en faveur d’une moindre sévérité, mais ces données doivent être consolidées, et le plus grand nombre d’infections va possiblement s’accompagner d’un nombre de cas graves élevé.

L’hypothèse que la vague Omicron contribue à l’immunité collective et soit une des sorties possibles de la pandémie apparait comme plausible

Le vaccin COVID 19 de Novavax (Nuvaxovid® ou NVX-CoV2373) a été autorisé par la Commission Européenne, après que L’EMA a recommandé son utilisation le 20/12/2021. Il diffère des vaccins actuellement disponibles : c’est un vaccin sous unitaire constitué de nanoparticules de glycoprotéines Spike recombinantes du SARS-CoV-2 adjuvantées par Matrix-M1. Il induit une forte réponse immunitaire en primo vaccination, et dans un essai randomisé multicentrique contre placebo conduit au Royaume-Uni, l’efficacité vaccinale a été estimée à 89,7 % (IC95%, 80,2 à 94,6) comparable aux vaccins à ARNm. Le schéma vaccinal comporte 2 doses espacées de trois semaines. Il permet aussi une forte réponse immunitaire lorsqu’il est administré en boost (essai CovBoost).

La FDA vient d’accorder aux États-Unis une Autorisation de Mise sur le Marché Temporaire pour le Comirnaty® en dose de rappel pour les adolescents. L’Agence Européenne (EMA) devrait suivre dans les jours à venir de même que la recommandation en population générale.

Les recommandations d’isolement en cas d’infection par SARS-CoV-2 ou pour les cas contacts ont été changées du fait l’importance de la vague épidémique Omicron et ses conséquences sur la société : les durées ont globalement été raccourcies (tenant compte du statut vaccinal et de l’âge) et la place des tests augmentée.

Notre infographie pour comprendre les nouvelles regles

En réponse à vos questions

Un sujet contact peut-il recevoir la dose « booster » ?

OUI !! Il n’est pas nécessaire de décaler l’injection. Au début il était recommandé de retarder l’injection parce qu’en primo-vaccination, la protection optimale n’apparaissait qu’une dizaine de jours après la deuxième dose et que l’on ne connaissait pas la tolérance. Avec la dose « booster », la montée d’anticorps est beaucoup plus rapide, la durée d’apparition de la protection beaucoup plus courte et aucun signe de mauvaise tolérance n’a été observé. Enfin, vu la transmissibilité du variant Omicron, les cas contacts se multiplient, retardant inutilement les programmes vaccinaux.

Les vaccins à ARNm disponibles protègent-t-il du variant Omicron ?

Oui, mais avec une efficacité diminuée, en particulier sur les formes non graves et chez les personnes âgées et avec comorbidités et après 3 doses de vaccin ! 

Plusieurs études ont montré que la capacité neutralisante du sérum de primo-vaccinés avec deux doses était 10 à 40 fois inférieure pour Omicron ; le pouvoir neutralisant du sérum de convalescents était également significativement diminué (1,2,3). Le maintien du pouvoir neutralisant est meilleur chez les personnes qui ont été à la fois infectées et complètement primo-vaccinées (2 doses). L’administration d’une dose de rappel Pfizer ainsi que la vaccination d’individus précédemment infectés permettrait de générer une réponse neutralisante suffisante contre Omicron (4). Une étude montre néanmoins que ce taux d’anticorps post 3ème dose diminue dès 3 mois, mais des données à plus long terme sont nécessaires. A partir de ces résultats, une modélisation a permis d’estimer la protection assurée par un vaccin ARNm : six mois après deux doses elle serait d’environ 40 % contre l’infection symptomatique et 80 % contre les formes sévères ; la dose de rappel « booster » augmenterait cette protection à 86 % contre l’infection symptomatique et 98 % contre les formes sévères.  L’efficacité sur OMICRON de l’immunité cellulaire induite par une infection antérieure et à un moindre degré par un vaccin ARNm peut expliquer le maintien d’une protection clinique vis-à-vis des formes sévères. En effet, l’immunité cellulaire en particulier celle médiée par les CD8 (qui jouent un rôle important dans la prévention des formes graves) semble répondre à l’ensemble de la protéine Spike et pourrait être moins touchée par les mutations que la réponse anticorps.

Une autre étude  montre que le schéma en 2 doses du Comirnaty® a peu d’effet neutralisant sur le variant Omicron ; par contre, après la dose booster, le pouvoir neutralisant serait multiplié par 25 et redeviendrait comparable à celui obtenu après 2 doses sur les souches ancestrales. Cette étude

précise aussi que 80% des épitopes de la Spike du variant Omicron reconnus par les CD8 sont peu affectés suggérant qu’après la primovacination la protection contre les formes graves serait maintenue. Une étude anglaise suggère qu’après 2 mois, un schéma de vaccination initial par 2 doses de Pfizer ou d’AstraZeneca ne protègerait pas ou peu contre les formes modérées mais que l’efficacité vaccinale 15 jours après une dose de rappel remonterait à 70-75%. Enfin, le dernier rapport des autorités anglaises confirme ces données mais suggère d’une part une efficacité plus grande pour le Spikevax et d’autre part que l’efficacité diminue 10 semaines après le booster.

Les variants Omicron induisent-ils des formes moins graves de Covid-19 ?

Oui !!! Aussi bien en Afrique du Sud, Angleterre et Danemark : Il y a une dissociation entre le nombre de cas diagnostiqués qui augmentent de façon exponentielle et le nombre d’hospitalisations, de séjours en soins critiques et de décès qui croissent mais de façon nettement moins rapide. Ceci doit être tempéré par deux points : le premier est que l’accès aux méthodes diagnostiques (notamment les antigènes) est beaucoup plus rapide et large (notamment pour le dépistage avant des réunions), le deuxième est que cette nouvelle vague survient sur des populations en partie protégées par la vaccination et/ou une maladie antérieure.

Je dois vacciner bientôt un jeune adolescent de 11 ans et 11 mois.  Dois-je lui faire la dose « enfant » (10 mg) ou la dose « adulte » (30 mg) ?

Privilégier la forme « enfant ». Si vous suivez l’AMM et les connaissances sur l’immunogénicité des vaccins c’est la dose enfant qu’il faut utiliser. En effet, une étude faite avec la dose pédiatrique montre que chez les enfants de 5 à 11 ans, les taux d’anticorps obtenus sont identiques à ceux retrouvés avec la dose de 30 mg chez l’adulte jeune. C’est ce qui a conduit au choix de cette dose dans l’étude pivot et pour l’AMM. Pour les 12 à 15 ans, c’est la dose « adulte » qui a été utilisée. Nous ne connaissons pas d’étude publiée de « dose-ranging » chez l’adolescent) mais on sait qu’elle induit des taux d’anticorps significativement plus élevés que chez l’adulte jeune (ratio des moyennes géométriques du taux d’anticorps à 1,7). La plus forte réponse immunitaire observée chez les adolescents a déjà été observée pour de nombreux vaccins (hépatite B, papillomavirus…). Plus d’anticorps cela peut entrainer une plus grande efficacité mais aussi une plus forte réactogénicité. Même pour la 2ème dose, si l’adolescent viens de dépasser 12 ans, il parait cohérent, même si cela ne correspond pas à l’AMM, de leur proposer la dose enfant.

Les PCR et les tests antigéniques sont-ils aussi performants pour le variant Omicron ?

L’hypothèse d’une petite baisse de la sensibilité des tests antigénique est possible mais peu probable en vie réelle. Les nombreuses mutations de ce virus touchent beaucoup la spike mais aussi la nucléocapside laissant craindre une diminution des performances pour les PCR (essentiellement pour les mutations de la spike) et des tests antigéniques pour la nucléocapside.  Cependant 1) les PCR comportent l’amplification de plusieurs gènes réduisant le risque, 2) Le variant Omicron comporte « seulement » 2 mutations déjà connues (R203K et G204R) au niveau de la nucléocapside que comportaient déjà le variant alpha, sans conséquence évidente sur la sensibilité des tests. La FDA a cependant émis un warning et une étude suisse « in vitro » une tendance à la moindre sensibilité des tests antigéniques. Il n’existe pour l’instant aucune étude évaluant la sensibilité des tests sur le terrain.

En faisant à un adolescent sa première dose de Comirnaty®, j’ai réalisé un TROD sérologique dont seule la barre « IgM » était positive et pas la barre IgG. Que faut-il en penser ?

C’est probablement un faut positif. Théoriquement les IgM apparaissent 2 à 3 jours avant les IgG et il pourrait s’agir d’un début d’infection. En réalité, cette situation avec seulement des IgM correspond le plus souvent à des faux positifs et est connue pour de nombreux virus et bactéries. Si vous voulez en savoir plus, il suffit de faire une sérologie avec un dosage des anti-spike et des anti-nucléocapsides. La présence d’anticorps anti-nucléocapside de type IgG signerait une infection.

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