V comme « Variant »

Doit-on s’inquiéter de l’émergence de nouvelles souches ? Oui !!! Mais il ne faut pas céder à la panique « médiatique » concernant les variants. La situation épidémiologique est marquée dans le monde par l’émergence de nombreux variants préoccupants (VOC ou Variant of Concern). Comme de nombreux virus, le SARS-CoV-2 mute en permanence. Il s’agit d’erreurs de lecture de l’acide nucléique, le plus souvent sans conséquence, mais qui parfois peuvent apporter un avantage écologique au virus. Une mutation déjà ancienne sur la protéine « spike » (G- 614 au lieu de D-614) avait déjà conféré, une plus grande transmissibilité aux souches circulantes en occident comparativement à la souche originelle chinoise. Un variant est un sous-type de virus dont le génome diffère par plusieurs mutations par rapport au virus de référence qui modifient ses propriétés biologiques. Les VOC sont ceux qui entrainent une plus grande transmissibilité et/ou une plus grande gravité et/ou une résistance au vaccin et/ou une modification des performances des tests permettant le diagnostic. Une lignée est un ensemble de virus descendants d’une même souche ancestrale. Ce qu’il faut bien comprendre c’est que les mutations se produisent d’autant plus que la circulation virale est intense, prolongée et probablement que les populations affectées ont une immunité moins bonne. Ces variants comportent tous de multiples mutations mais les plus marquantes concernent la protéine de pointe ou spike modifiant sa forme et lui conférant une plus forte affinité sur le récepteur ACE2 (la clé rentre mieux dans la serrure) avec pour conséquence plus de cellules infectées et des charges virales plus élevées responsables :

  • d’une plus grande transmissibilité : c’est la règle pour tous ces variants et c’est l’avantage écologique principal en l’absence de vaccination. Les sujets infectés sont plus infectants et sur des périodes plus prolongées, d’où l’allongement des périodes d’isolement imposées.
  • d’une plus grande gravité : les études donnent des résultats contradictoires, mais il est logique de le penser en présence de charges virales plus élevées.
  • d’un échappement à l’immunité acquise soit par la maladie naturelle liée à un virus initial, soit par la vaccination, mais les données sont très parcellaires. Il est cependant logique de penser que la conjonction d’une réplication virale intense du fait d’un pic épidémique et d’une immunité de groupe partielle risque de sélectionner des variants plus ou moins résistants à l’immunité.

De très nombreux variants ont été rapportés dans le monde, mais ils convergent, en termes de mutations de la protéine S, vers quelques lignées se ressemblant beaucoup et 4 d’entre eux sont sous surveillance renforcée. Après le variant anglais devenu prédominant en Europe, et les variants sud-africain, brésiliens et indien, un variant centre-africain (B.1.620) est venu s’ajouter ces derniers jours. Chacun d’eux est impliqué dans les grandes vagues épidémiques. Certes, le non-respect des gestes barrières sur la durée, l’utilisation pour le moins non optimale des tests diagnostiques et surtout les conclusions et attitudes à adopter en cas de positivité, des campagnes de vaccination trop lentes, ont sans nul doute un rôle important dans l’émergence de ces rebonds successifs. A l’heure actuelle, la lutte contre la pandémie ne peut se dispenser d’aucune de ces mesures.

En France, alors que les variants sud-africain et brésiliens ont été isolés depuis plusieurs mois, leurs proportions parmi les souches isolées n’ont pas augmenté de façon significative et le variant anglais est resté prédominant, témoignant probablement d’une plus grande transmissibilité. La pression de sélection vaccinale pourrait changer la situation. Cependant, une vision cataclysmique des variants qui viendraient empêcher un contrôle de l’épidémie est inutile, contre-productive et n’est pas le scénario le plus probable. En effet, le SARS-CoV-2 a un répertoire de mutations relativement limité. Le répertoire des mutations montre que de mêmes mutations concernant la protéine S apparaissent partout dans le monde mais dans des ordres différents.

Une étude cas-témoins récente au Qatar, où le vaccin Pfizer-BioNTech a été largement utilisé et où prédominaient les variants britannique et sud-africain, a permis d’évaluer de façon fine, l’efficacité sur ces souches : 89,5 % (IC95% 85,9–92,3) sur les infections à variant dit « britannique», 75 % (IC95% 70,5–78,9) sur les infections à variant dit « sud-africain » et 100 % (IC95% 81,7–100 ou 73,7-100) sur les Covid-19 graves (sévères, critiques ou fatales) pour ces deux variants.

Enfin, la technologie des vaccins à ARN messager peut permettre de les adapter très rapidement. L’idée est de surveiller les nouveaux variants, d’identifier les mutations préoccupantes afin de les introduire dans ces vaccins pour fabriquer une dose de rappel. Moderna par exemple, a annoncé qu’une 3ème dose de son vaccin spécifiquement dirigée contre le variant sud-africain permettait l’obtention de taux d’anticorps élevés dirigés contre les variants brésilien et sud-africain alors qu’il était craint qu’un rappel par un « vaccin de 2ème génération » induise une montée du taux des anticorps dirigés contre l’antigène du 1er vaccin (hypothèse dite du « pécher originel ». Cette firme s’oriente aussi vers la mise au point de vaccins comportant 2 ARNm différents pour élargir le spectre de protection.

La conséquence majeure de variants plus transmissibles est l’augmentation du R0 à La proportion de gens immunisés, nécessaire pour obtenir un effet de groupe (1-1/R0), passe de 60-70% à > 80%.

Il faut bien intégrer plusieurs données en apparence contradictoires :

  • La vaccination associée aux autres mesures, en empêchant l’infection ou en réduisant le nombre de cas est la meilleure façon de limiter la réplication virale donc les mutations et l’émergence de variants.
  • Certains variants sont sur-représentés dans les échecs de vaccination, alors que les vaccins gardent une activité très significative contre ces variants : ceci témoigne d’un échappement partiel à l’immunité vaccinale.
  • Même si des clusters surviennent, la gravité des cas cliniques semble moindre ?
  • Il n’est pas exclu que la vaccination puisse exercer une pression de sélection permettant aux variants résistants aux vaccins de prospérer. L’immunité de groupe obtenue uniquement par l’acquisition de la maladie par une proportion importante de la population est peu probable du fait de l’émergence de variants et d’une durée relativement brève de l’immunité chez une proportion des infectés. La vaccination avec des vaccins adaptés aux variants sera très probablement nécessaire. Les fabricants de vaccins ont annoncé qu’ils étaient capables d’adapter leurs produits aux souches circulantes en quelques semaines, voire de produire des vaccins couvrant l’ensemble des variants existants.