Faut-il s’inquiéter des variants Omicron (B.1.1529) ? La réponse est OUI. Les sous-linéages du variant « Omicron » ne sont pas des évolutions des variants préoccupants précédents (a , ß, d ou ∂) : Omicron appartient à une autre « branche » phylogénétique dont l’ancêtre est la souche Wuhan. L’évolution s’est faite à « bas bruit » sur une longue période sans être repérée par les systèmes de surveillance. La cinquantaine de mutations issues de cette évolution pourrait être la conséquence du passage des virus chez des immunodéprimés (nombreux en Afrique du Sud du fait de l’incidence du VIH) ou chez des hôtes animaux.
Les variants Omicron ont une configuration inquiétante avec des mutations du ∂ pour la transmission, des mutations du ß pour la résistance à l’immunité, associées à de très nombreuses autres mutations sur la spike et l’insertion d’autres gènes provenant d’autres coronavirus humains.
Différentes études portant sur Omicron le situent par rapport au variant ∂. Il a :
– une plus grande contagiosité, amenant le R0 > 10 possiblement au même niveau que celui de la rougeole, avec un intervalle intergénérationnel extrêmement court. En Afrique du Sud, Angleterre, Danemark, les temps de doublement de l’épidémie Omicron n’ont jamais été aussi courts (2 à 3 jours) expliquant que ces variants sont devenus prédominants en quelques semaines. Cette grande transmissibilité passe probablement par une transmission « air » encore plus efficace. Ceci impose des mesures synergiques pour contenir cette épidémie.
– Une plus grande résistance à l’immunité naturelle post infection ou acquise après la primovaccination.
– Possiblement une moindre sévérité qui s’explique par l’immunisation d’une forte proportion de la population et par le moindre tropisme pulmonaire.
Existe-t-il différents sous-types de variants Omicron ? Oui !!! Il existe trois sous-lignages désignés BA.1 (majoritaire initialement), BA.3 (très peu détecté) et BA.2, devenu prédominant d’abord au Danemark, et dont la proportion augmente également en France et dans le monde. Ce dernier comporte 8 mutations de la protéine spike qui lui sont propres, et n’a pas la délétion Δ69-70, qui permet à certaines techniques de criblage de repérer le variant Omicron. Le sous-variant BA.2 est plus transmissible que BA.1., avec un intervalle de temps entre l’infection des cas index et celle des sujets contacts plus court (3,3 jours en moyenne versus 3,7 jours pour BA.1 d’après Public Health England) et un taux d’attaque secondaire supérieur, ce qui signifie qu’un cas index contamine plus de personnes (Ref1). Cette plus forte transmissibilité pourrait être expliquée par le fait que BA.2 se multiplie plus que BA.1 dans des cultures primaires de cellules épithéliales nasales (Ref2).
Selon l’OMS et les premières données disponibles chez l’homme, il ne semble pas y avoir de différence de sévérité de la maladie causée par BA.1 ou BA.2.
Enfin, les données préliminaires concernant l’échappement immunitaire sont pour le moment contradictoires : certaines études trouvent que la baisse du pouvoir neutralisant des anticorps est du même ordre de grandeur avec BA.1 et BA.2 par rapport aux variants précédents (Ref3) tandis que d’autres décrivent un échappement immunitaire plus marqué avec BA.2, en particulier une possible perte de l’efficacité du seul anticorps monoclonal qui conservait une activité importante contre Omicron, le sotrovimab ou Xevudy® (Ref4).
D’après SpF et les épidémiologistes de l’Institut Pasteur, le sous-variant BA.2 d’Omicron ne devrait pas être à l’origine d’un rebond épidémique du fait des fortes couvertures vaccinales et de l’immunité protectrice conférée par l’infection par BA.1 vis-à-vis de BA.2, dans un contexte chronologique favorable puisque, contrairement à ce qui s’est passé au Danemark, la progression de BA.2 survient de manière très décalée par rapport à la vague Omicron BA.1 (Le Monde).
Les vaccins à ARNm disponibles protègent-t-il du variant Omicron ? Oui mais avec une efficacité diminuée, en particulier sur les formes non graves, chez les personnes âgées et avec comorbidités ! Plusieurs études avaient montré que la capacité neutralisante du sérum de primo-vaccinés avec deux doses était 10 à 40 fois inférieure pour Omicron ; le pouvoir neutralisant du sérum de convalescents était également significativement diminué (1,2,3). Le maintien du pouvoir neutralisant est meilleur chez les personnes qui ont été à la fois infectées et complètement primo-vaccinées (2 doses). L’administration d’une dose de rappel Pfizer ainsi que la vaccination d’individus précédemment infectés permettraient de générer une réponse neutralisante suffisante contre Omicron (4, 5). Une étude montre néanmoins que ce taux d’anticorps post 3ème dose diminue dès 3 mois, mais des données à plus long terme sont nécessaires. A partir de ces résultats, une modélisation a permis d’estimer la protection assurée par un vaccin ARNm : six mois après deux doses elle serait d’environ 40 % contre l’infection symptomatique et 80 % contre les formes sévères ; la dose de rappel « booster » augmenterait cette protection à 86 % contre l’infection symptomatique et 98 % contre les formes sévères.
Une autre étude montre que le schéma en 2 doses du Comirnaty® a peu d’effet neutralisant sur le variant Omicron ; par contre, après la dose booster, le pouvoir neutralisant serait multiplié par 25 et redeviendrait comparable à celui obtenu après 2 doses sur les souches ancestrales. Cette étude précise aussi que 80% des épitopes de la Spike du variant Omicron reconnus par les CD8 sont peu affectés suggérant qu’après la primovacination la protection contre les formes graves serait maintenue. Une étude anglaise suggère qu’après 2 mois, un schéma de vaccination initial par 2 doses de Pfizer ou d’AstraZeneca ne protègerait pas ou peu contre les formes modérées mais que l’efficacité vaccinale 15 jours après une dose de rappel remonterait à 70-75%. Enfin, le dernier rapport des autorités anglaises « en vie réelle » confirme ces données mais suggère d’une part une efficacité plus grande pour le Spikevax, et d’autre part une tendance à la diminution de cette efficacité, 10 semaines après le booster. En résumé, la primovaccination confère une protection contre l’infection modeste et peu durable (quelques semaines), mais considérablement améliorée (pendant quelques semaines ou mois) par le rappel. En revanche, l’immunité cellulaire, moins dépendante des mutations sur la zone RBD (Receptor Binding Domain) maintient une bonne protection contre les formes graves.
Les variants Omicron induisent-ils des formes moins graves de Covid-19 ? Oui !!! Il y a une dissociation entre le nombre de cas diagnostiqués qui augmente de façon exponentielle et le nombre d’hospitalisations, de séjours en soins critiques et décès qui croît mais de façon nettement moins rapide. Ceci s’explique en partie par le moindre tropisme pulmonaire d’Omicron, mais doit être tempéré par deux points : le premier est que l’accès aux méthodes diagnostiques (notamment les antigènes) est beaucoup plus rapide et large (notamment pour le dépistage avant des réunions), le second, que cette nouvelle vague survient sur des populations en partie protégées par la vaccination et/ou une maladie antérieure.
Malgré la réputation de bénignité d’Omicron, le nombre de morts ne baisse pas en France et dans plusieurs pays occidentaux. Comment l’expliquer ? Ceci s’explique par l’intensité des contaminations qui n’a jamais atteint ce niveau et par la sensibilité des plus fragiles à ces variants malgré la vaccination. Les risques résiduels sont fortement liés à un âge élevé, à la prise de traitements immunosuppresseurs ou corticoïdes oraux, à la présence de plusieurs comorbidités : obésité, diabète, trisomie 21, retard mental, transplantation rénale ou pulmonaire, insuffisance rénale chronique terminale en dialyse ou le cancer actif du poumon (données EPIPHARE).
Les anticorps monoclonaux sont-ils actifs sur les variants Omicron ? Les données préliminaires montrent une perte complète de l’efficacité de la combinaison casirivimab/imdevimab (Roche/Regeneron) ou bamlanivimab/etesevimab (Lilly) et une conservation partielle de l’efficacité de l’association tixagevimab/cilgavimab (AstraZeneca), indiquée en prévention primaire chez les immunodéprimés. Le sotrovimab (Vir/GSK) semblerait conserver son efficacité de neutralisation puisque sa cible est un domaine très conservé de la protéine spike. Enfin, le médicament par voie orale paxlovid (Pfizer) devrait être efficace car dirigé contre la protéase du virus qui est peu modifiée, mais ce produit ne sera disponible qu’à partir de février 2022 (Conseil scientifique, 16/12/2021).
Les patients infectés par OMICRON BA1 peuvent-ils s’infecter par le BA2 ? Très probablement non. Les différences structurelles entre les deux sous-linéages sont relativement modestes (pas plus que les pour les souches ancestrales et les variants alpha) et une étude Israélienne ne retrouve aucune infection à BA2 chez des sujets infectés par le BA1.
La transmission d’Omicron entre les enfants est-elle plus importante que pour la souche ancestrale ou les variant inquiétants précédents ? Oui !!! Omicron a entrainé une augmentation considérable de l’incidence des cas chez l’enfant ainsi que des hospitalisations pédiatriques sans précédent dans les pays occidentaux, sans doute en raison de sa transmissibilité extrêmement élevée (R0 > 10 et transmission « air ») et de l’absence de vaccination des enfants ce qui les rend plus vulnérables que les adultes vaccinés depuis des mois.
Les chiffres d’hospitalisations pédiatriques donnés par Santé Publique France, impressionnants par rapport aux vagues précédentes, peuvent sembler inquiétants mais :
- Les données fournies par le réseau GPIP-SFP montrent que 40 à 60 % des cas hospitalisés sont des Covid « fortuits ou accessoires », ce que SPF ne peut pas évaluer précisément. Même en réanimation et soins intensifs, 1/3 des cas Covid sont fortuits ou accessoires.
- Au Royaume-Uni, les estimations montrent que le risque individuel d’hospitalisation d’un enfant infecté par Omicron est inférieur – d’un tiers à la moitié – à ce qu’il était lorsque Delta était dominant.
- Plus de 70 % des enfants hospitalisés ont moins de 5 ans et la majorité d’entre eux moins d’un an : cette vague d’hospitalisations « Omicron » a touché particulièrement les nourrissons. Moins de 15 % des enfants hospitalisés ont entre 5 et 11 ans.
- Les enfants hospitalisés ne présentent pas de maladie plus grave que ceux infectés par les variants précédents ; si parfois la symptomatologie est bruyante, elle est courte et il y a eu moins de ventilation mécanique et de besoins en oxygène.
- Au 10 février 2022, on ne note pas d’augmentation du nombre de cas de PIMS en France. Au Royaume-Uni qui nous a précédé de 2 semaines pour la vague Omicron, bien qu’un petit nombre de cas de PIMS liés à ces variants ait été rapporté, il n’y a pas eu d’augmentation du nombre de cas. Ceci contraste avec l’intensité de la vague d’infections et plaide pour une plus faible capacité d’Omicron à provoquer des PIMS.
La mortalité, contrairement à des chiffres extravagants circulant dans les médias reste extrêmement faible depuis la vague Omicron.